La société-troupeau (0)
La violence et l’insécurité dans lesquelles nous vivons - aussi exploitées qu’elles puissent être fantasmatiquement, voire manipulées de manière délibérée - relèvent avant tout d’une question de narcissisme, et sont le fait d’un processus de perte d’individuation. Il s’agit de narcissisme au sens où un homme comme Richard Durn, assassin d’un nous - assassiner un conseil municipal, représentation officielle d’un nous, c’est assassiner un nous - souffrait terriblement de ne pas exister, de ne pas avoir, disait-il, le ” sentiment d’exister ” : lorsqu’il tentait de se voir dans une glace, il n rencontrait qu’un immense néant.
C’est ce qu’a révélé la publication d son journal intime par Le Monde.
Durn y affirme qu’il a besoin de ” faire du mal pour, au moins une fois dans [sa] vie, avoir le sentiment d’exister “. Richard Durn souffre d’une privation structurelle de ses capacités narcissiques primordiales. J’appelle ” narcissisme primordial ” cette structure de la psychè qui est indispensable à son fonctionnement, cette part d’amour de soi qui peut devenir parfois pathologique, mais sans laquelle aucune capacité d’amour quelle qu’elle soit ne serait possible. Freud parle de narcissisme primaire, mais cette expression ne correspond pas tout à fait à ce dont je parle : elle désigne l’amour de soi infantile, une époque précoce de la sexualité. Freud parle aussi de narcissisme secondaire, ce qui survient à l’âge adulte, mais il ne s’agit encore pas de ce que je nomme le narcissisme primordial, qui est sans doute plus proche de ce que Lacan désigne dans son analyse du ” stade du miroir “. Il y a un narcissisme primordial aussi bien du je que du nous : pour que le narcissisme de mon je puisse fonctionner, il faut qu’il puisse se projeter dans le narcissisme d’un nous. Richard Durn, n’arrivant pas à élaborer son narcissisme, voyait dans le conseil municipal la réalité d’une altérité qui le faisait souffrir, qui ne lui renvoyait aucune image, et il l’a massacrée.
Bernard Stiegler
Aimer, s’aimer, nous aimer, Ed. Galilée, 2003
Le néolibéralisme n’est pas tombé du ciel (0)
De l’Amérique de Reagan à la France de Mitterrand, en passant par la NouvelleZélande, les transformations économiques du dernier quart de siècle n’ont été le produit ni du hasard ni de la nécessité. Si, à partir des années 80, les « décideurs » et les médias du monde occidental ont presque toujours interprété de manière identique les situations de « crise », c’est que tout un travail idéologique était intervenu au préalable, c’est que les solutions alternatives au marché avaient été détruites afin qu’il n’y ait « plus d’alternative ». D’autres interprétations des événements auraient suggéré d’autres remèdes, mobilisé d’autres forces sociales, débouché sur d’autres choix. La « mondialisation », ce fut aussi ce long labeur intellectuel de construction de la « seule politique possible » que favorisa la symbiose sociale entre ses principaux architectes d’un bout à l’autre de la Terre. Inspirées par des théoriciens de l’université de Chicago, dont l’influence sera considérable au Chili, en Grande Bretagne et aux États Unis, les doctrines économiques libérales vont encourager les classes dirigeantes à durcir leurs politiques, à passer d’un système d’économie mixte acceptant une certaine redistribution des revenus à un nouveau capitalisme orienté par les seuls verdicts de la finance. Les artisans de cette métamorphose en tireront un avantage considérable ; pour la plupart des autres, au contraire, ce sera le grand bond en arrière.
Serge Halimi
Le grand bond en arrière, Ed. Fayard
Petit Bréviaire des idées recues en Economie (0)
Faut-il des fonds de pension pour sauver les retraites ? Les services publics doivent-ils être déréglementés et privatisés ? Le chômage s’explique-t-il par les protections dont bénéficient les salariés et les charges sociales ? Les pays en développement doivent-ils continuer de suivre les politiques que leur imposent les grandes institutions internationales ? Le poids de l’Etat dans l’économie est-il réellement insupportable ? Sur toutes ces questions et quelques autres, au cœur du débat public, ce Petit bréviaire des idées reçues en économie s’efforce de couper court aux certitudes martelées dans les médias et que les économistes professionnels mettent souvent trop peu d’empressement à démentir, quand ils ne les cautionnent pas. Avec ce livre, pédagogique et incisif, les Éconoclastes entendent montrer que l’étude des phénomènes économiques implique une confrontation permanente aux faits, et des débats dont les enjeux politiques et sociaux sont trop souvent éludés. Ils répondent ainsi aux attentes de tous les non-spécialistes - enseignants, salariés, retraités, syndicalistes, militants et autres - soucieux de comprendre les débats que les hommes politiques et leurs experts réduisent abusivement à des questions techniques, inaccessibles au commun des citoyens. Un livre qui sera également particulièrement utile aux lycéens et étudiants en économie pour enrichir leur réflexion. Pour l’édition de poche, une nouvelle partie intitulée ” Économie, science et politique ” a été ajoutée, avec des textes inédits de Bernard Guerrien, Jean-Paul Piriou et Jean Gadrey. ” L’heure de la guerre contre ” l’économiquement correct ” aurait-elle enfin sonné ?
Les Econoclates
Petit Bréviaire des idées recues en Economie
“Un Scud de bonne taille vient en tout cas d’être tiré sous la forme d’un ouvrage intitulé Petit bréviaire des idées reçues en économie […]. Il est bon de questionner la vulgate dominante. ”
Le Monde
” Ce livre constitue une excellente introduction critique aux principaux débats économiques et sociaux actuels. “
Alternatives Economiques