Les mensonges de l’Economie
Les dirigeants des grandes entreprises modernes, à la différences des capitalistes, ont fait accepter par la population leur position sur le marché et leur influence politique. Leur rôle prépondérant dans les hautes sphères du militaire, les finances publiques et l’environnement est jugé normal. Leur autorité dans d’autres secteurs publiques ne pose aucun problème non plus. Et on l’a vu, le PIB déterminé par les entreprises est la mesure reconnue de la réussite d’une économie et même d’une civilisation. Néanmoins, certains défauts nuisibles à la société et les effets qui en découlent réclaments quelques attentions.
L’un d’eux est la façon dont les entreprises ont redéfini l’intérêt public en l’adaptant à leurscapacités et à leurs besoins. Elles décident que le progrès social, ce sera davantage d’automobiles, davantage de téléviseurs, d’appareils de toutes sortes, un accroissement de tous les autres biens de consommation. Et surtout, de plus en plus d’armes mortelles. Tel est le critère de l’épanouissement humain. Les progrès sociaux négatifs — la pollution, la destruction des paysages, le sacrifice de la santé des citoyens, les menaces d’interventions armées et les morts — ne comptent pas. Quand on mesure la réussite, le bon et le désastreux peuvent se combiner.
La mainmise du secteur privé sur l’action et l’autorité publiques est un triste spectacle en matière d’environnement et un grand danger en politique militaire et étrangère.
J.K. Galbraith
Les mensonges de l’Economie Ed. Grasset, 2003